samedi 21 novembre 2009

Kabuki – ou le théâtre populaire japonais

Kabuki – ou le théâtre populaire japonais

Parce que c’est effectivement une activité populaire, du théâtre qui tranche avec son cousin plus classique et symbolique – le théâtre Noh – par les thèmes que l’on y traite et la façon beaucoup plus descriptive de les rendre.

Nous nous rendons au théâtre le plus célèbre de Tokyo pour le genre – Kabuki-za – dans le district de Ginza, un bâtiment dans un style bien Japonais mais plutôt baroque (qui essaie de rappeler l’architecture des palais d’Edo je présume - photo ci-haut). Il y est depuis 1889, a subi plusieurs reconstructions – suite à des tremblements de terre et aux bombardements de la Seconde Guerre - et on s’apprête à le fermer au début de l’an prochain, pour 2 ou 3 ans, le temps d’y conduire d’importants travaux de modernisation!) http://en.wikipedia.org/wiki/Kabukiza

Nous n’y voyons que 2 des premiers actes d’un long drame intitulé « le trésor de 47 loyaux serviteurs » - Kanadehon Chūshingura (仮名手本忠臣蔵) - qui raconte comment 47 loyaux samouraïs ont vengé leur maître-prince, injustement puni et exécuté, en tuant l’officiel responsable de sa chute, pour ensuite se faire hara-kiri eux-mêmes, tous ensemble, le même jour. On se serait inspiré de faits véritables du début du 18e siècle (l'incident Akō). Que deux actes, environ deux heures, parce que la pièce en fait près de 7 heures, sans compter les intermissions, servie en 8 actes, de 11heure le matin à 9 heure le soir – on comprend où Lepage a trouvé son inspiration pour Lipsynch (voir le bourlinblogue, en juin dernier)! Pour deux actes seulement, on paye « à l’acte », 900 yen pour les deux actes – 400 yen pour le guide audio, indispensable si on veut suivre un peu – et on vous cantonne au dernier étage, au 4e. Une place aux premières loges pour la durée du spectacle coûte 16,000 yen (soit environ C$200) http://www.shochiku.co.jp/play/kabukiza/theater/.

Le kabuki a connu plusieurs permutations dans sa forme et son exécution depuis sa création au tout début du 17e siècle à Kyoto. De spectacle dansant exécuté uniquement par des femmes à ses débuts, il a connu son apogée de la fin du 17e siècle au tournant du 19e siècle comme représentation théâtrale, jouée par des hommes seulement (les interprètes féminines ont été bannies bien tôt parce que certaines pouvaient s’adonner dit-on à la prostitution, ce qui selon les autorités du temps ne pouvait que "dégrader" l’art du Kabuki!)



(Ci-contre deux acteurs célèbres vers la fin du 18e, Bando Zenji et Sawamura Yodogoro) De fait, le kabuki en est venu à constituer l’inspiration, sinon le cœur, de la culture populaire, un événement social certainement où tous se retrouvaient pour la journée, alternant entre le théâtre et les maisons de thé avoisinantes où l’on se retrouvait en bonne compagnie, ou encore le sujet d’estampes de gravure sur bois qui restent encore aujourd’hui très recherchés comme objets de collection. (Ce n’est pas par hasard que nous rapportons comme souvenir du Japon une estampe, un original datant du milieu du 19e siècle, représentant l’un des caractères de cette pièce).

Le kabuki aurait connu une recrudescence avec le retour de l’empereur aux commandes (la révolution Meiji en 1868), la fin du shogunat et des samouraïs, et l’ouverture à l’ouest; le kabuki est devenu respectable! Aujourd’hui, le kabuki demeure la forme la plus populaire du théâtre traditionnel au Japon, avec ses acteurs qui sont souvent des vedettes de la télévision ou du cinéma (çà se voyait aux applaudissements variés à l’annonce des interprètes de la représentation à laquelle nous avons assisté, où l’un des rôles principaux était tenu par un de ces « trésors vivants nationaux» - une notion toute japonaise selon laquelle on protège ou soutient par la loi ceux qui incarnent, par leur savoir-faire exceptionnel, des valeurs culturelles immatérielles, un acteur ou un peintre par exemple!)

Le kabuki reste souvent la source de séries télévisés et de longs métrages au Japon. Il s’exporte et se consomme à l’étranger également où se produisent souvent les troupes kabuki venues du Japon (la première pièce kabuki que j’ai vue, c’est à Ottawa dans les années 70!) Le kabuki est classé par l’UNESCO comme l’un des chefs d’œuvre du patrimoine immatériel de l’humanité. http://en.wikipedia.org/wiki/Kabuki

Touche finale : une fois la représentation terminée, un dernier commentaire sur le guide audio contrastant le théâtre de l’occident et le kabuki, faisant valoir comparativement le caractère tout à fait non-intellectuel de ce dernier…certainement vrai si on le compare au théâtre moderne à la Samuel Beckett, mais moins si on se rapproche du théâtre d’une époque contemporaine au kabuki, tel celle de Shakespeare…

Tokyo, novembre 2009